Bricodeur un jour, Bricodeur toujours?

J’enseigne le code aux débutants avec un association nommée «Les Bricodeurs», depuis environ 6 mois. Je ne vais pas entrer dans les détails pour chaque activité dans laquelle cette association s’engage, mais en vrac: enseigner aux enfants à programmer des robots, organisation des conférences sur les médias numériques et la citoyenneté, la préparation d’un hackathon annuel « La Nuit du Code Citoyen », et la liste continue avec chacune des initiatives de nos membres.

Moi, je ne fais qu’animer des ateliers récurrents à Lyon, que nous appelons la «Pré-école numérique». C’est fondamentalement une introduction au développement Web organisé en cycles de quatre sessions durant lesquelles nos aspirants programmeurs apprennent le HTML, le CSS et le JavaScript, après avoir assisté à une réunion où nous parlons des métiers qui existent dans le milieu de la programmation, plus particulièrement dans le web. Nous complétons ces leçons également par des ateliers thématiques comme la création assistée d’un portfolio en ligne.

Qu’est-ce qui nous motive à enseigner?

Je ne peux pas parler à la place mes collègues, mais je crois que l’on peut supputer que chacun d’entre nous est porté une envie de partager ses connaissances professionnelles avec des gens curieux et motivés. C’est même, sans doute, cet intérêt pour le partage des connaissances et l’ouverture des communautés qui nous a conduit à travailler sur le développement Web en premier lieu. En effet, qu’est-ce ce que le World Wide Web si ce n’est une énorme collection de données liées et partagées sans la contrainte de lieu ou de calendrier. (Ca et un énorme marché pour les données personnelles, mais soyons optimistes ici!)

Aussi, et cela pourrait être un peu plus personnel, mais ayant fait partie des nombreuses personnes qui ont été amenées dans le développement Web au travers d’une reconversion professionnelle, je ressens une forte envie d’avertir les gens sur les difficultés et les écueils de cette approche. Aujourd’hui, il y a énormément de formations de ce genre qui sont mises en places par des entreprises qui font de la vente du « retour à l’emploi » leur fond de commerce, que ce soit auprès des particuliers, ou de notre gouvernement préoccupé par les taux de chômage.

Je ne crois pas que ce soit vraiment une mauvaise façon de rentrer dans un domaine de connaissance totalement nouveau et de commencer une carrière ; cela dit, je ne penses pas que cette voie soit adaptée à tout un chacun. Mais j’en ai déjà parlé dans un article précédent, donc je vais essayer de ne pas trop me répéter.

Je crois aussi en ce que nous pourrions appeler l’apprentissage par l’enseignement. Je sais qu’il existe des études sur ce sujet, mais je n’en ai pas lues, et je n’en ai d’ailleurs pas besoin pour être convaincu de ce fait. La plupart du temps, quand j’ai essayé d’expliquer quelque chose que je sais à quelqu’un d’autre, j’ai poussé mon analyse sur le sujet plus loin que lorsque j’utilise cette connaissance sur un projet personnel, par exemple ; au point où j’ai été en mesure d’identifier les parties que je n’ai pas vraiment comprises non plus. Rien que d’avoir à reformuler un sujet simple pour quelqu’un qui ne le comprenait pas au premier essais, nous oblige à être créatif sur la façon dont l’on connecte les données que l’on connaît avec les données que l’on sait que notre auditeur connaît, ce qui est en soi une réflexion enrichissante sur notre propre compréhension des données expliquées.

Qu’est-ce que les gens apprennent avec nous?

Dans le laps de temps très limité que nous avons (environ trois sessions de trois heures chacune), nous ne pouvons pas plonger vraiment profondément dans la complexité du développement, surtout en considérant que différentes personnes progressent à un rythme différent. Plus que des compétences, ce que nous offrons doit être plutôt vu comme une initiation à une façon de penser.

Cette façon de penser est plus une approche auto-centrée, où il s’agit de remettre en question ce que l’on sait et de comprendre comment lier des fragments données entres elles, après avoir réalisé une fragmentation de ce flux de nouvelles données au préalable. D’ailleurs nous ne donnons pas de cours magistraux, mais nous engageons nos apprenants très tôt dans l’application de ces fragments de connaissance fraîchement acquises, au travers d’exercices que nous supervisons.

À la fin de notre cycle, ce que nous espérons pour eux, c’est d’avoir testé leur curiosité et leur désir d’apprendre malgré les nombreux obstacles qu’ils devront affronter pendant ce processus. Les compétences les plus précieuses qu’ils peuvent acquérir, c’est de faire face à leurs propres barrières et de continuer à explorer de nouveaux territoires, aussi intimidant puissent-ils être à priori. Les compétences techniques, quant à elles, pourraient très bien être acquises à travers des ressources en ligne, et nous sommes plus qu’heureux de partager les sources que nous jugeons intéressantes avec nos apprenants.

Ce que j’espère pour les prochaines sessions

Nous avons attiré de nombreuses personnes curieuses et je suis heureux que ces personnes puissent avoir un premier contact avec ma profession dans un cadre informel et dénué d’obligation. Certains ont montré un intérêt profond pour le domaine et il est réconfortant de les voir revenir pour plus de sessions.

Cependant, je ne pense pas qu’à l’issue de ces séances nous puissions différencier un enthousiasme précoce d’une motivation intrinsèque. Et, en tant que développeurs, nous avons besoin de beaucoup de cette dernière dans notre vie quotidienne, afin de ne pas perdre le fil des évolutions technologique et de nous accommoder des charges de travail que nous avons. Il pourrait être vraiment agréable que nous réussissions à organiser plus d’ateliers thématiques cette année afin que les gens qui ont apprécié les leçons puissent aller un peu plus loin, tout en ayant à disposition quelqu’un à qui demander de l’aide.

Aussi, j’aimerais avoir un moyen de suivre les parcours de nos ex-apprenants, connaître la formation qu’ils choisissent et savoir comment cela se passe pour eux. Nous leur donnons accès à notre Slack afin que nous puissions rester en contact, mais nous n’avons pas eu beaucoup de contacts de cette façon.

L’industrie du Web est vraiment bouillonnante de tendances, d’évolution rapides ainsi que d’opportunités incongrues de nos jours, et il m’est difficile de percevoir la direction que cela prend. J’espère vraiment que nous serons en mesure de communiquer et de nous organiser en tant que communauté ouverte, afin de partager les connaissances ainsi que de prêter main-forte à nos pairs.